Quelle est la capacité potentielle de construction de logements au Canada?

par | Août 5, 2024 | Finance | 0 commentaires

Faits saillants

Malgré un nombre record de 650 000 travailleurs de la construction en 2023, la production de logements au Canada, qui s’élevait à 240 267 unités, était inférieure au potentiel de plus de 400 000 maisons par an.

Bien que davantage de ressources humaines et financières aient été consacrées à la construction résidentielle au cours des dernières années, les mises en chantier n’ont pas suivi le rythme.

Pour atteindre l’objectif du Plan du Canada sur le logement consistant à construire 3,87 millions de nouveaux logements d’ici 2031, des réformes réglementaires et une consolidation de l’industrie sont nécessaires pour accroître l’efficacité et la productivité. Le Fonds pour accélérer la construction de logements (FACL) constitue une étape importante pour atteindre cet objectif.

Depuis le lancement du Plan du Canada sur le logement et la publication du budget fédéral de 2024 qui a suivi, plusieurs analystes ont remis en question la capacité du pays à construire 3,87 millions de logements d’ici 2031.

Bien que les pénuries de main-d’œuvre demeurent un obstacle à l’accroissement de l’offre, environ 650 000 travailleurs construisaient des habitations au Canada en 2023. Il s’agit du plus grand nombre jamais enregistré. Pourtant, la construction n’a pas suivi le rythme de la croissance des ressources qui lui ont été consacrées.

Les ressources actuelles devraient nous permettre de construire entre 130 000 et 225 000 logements de plus chaque année. Cette production équivaut à un rythme annuel de plus de 400 000 mises en chantier.

L’atteinte de ce plein potentiel nécessitera des changements structurels qui vont bien au-delà de l’horizon à court terme. Cependant, des changements actuellement mis en œuvre partout au pays pourraient nous aider à nous rapprocher de cet objectif, comme des changements aux règlements municipaux.

Les gouvernements et le secteur de l’habitation peuvent et doivent néanmoins en faire plus pour obtenir de meilleurs résultats en matière de logement.

Les mises en chantier ne suivent pas le rythme des ressources consacrées à la construction

Jusqu’au milieu des années 2000, les mises en chantier suivaient de près l’emploi dans la construction résidentielle et la part du PIB que représente ce secteur (figure 1). Mais les années suivantes, le rythme de la construction n’a pas emboîté le pas, même si de plus en plus de ressources étaient consacrées à la construction résidentielle (dollars et main-d’œuvre).

En 2023, on estimait que l’emploi dans le secteur de la construction résidentielle était supérieur de 140 % à celui de 1997 et que la composante de la construction résidentielle du PIB avait augmenté de 130 %. Toutefois, la hausse des mises en chantier d’habitations s’élevait « seulement » à 63 %. Bien que l’augmentation soit notable, elle représente moins de la moitié des ressources supplémentaires utilisées pour atteindre ce résultat.

Figure 1 : Les mises en chantier au Canada n’ont pas suivi le rythme de l’augmentation des ressources affectées

Sources : SCHL (calculs et estimations [E]), Statistique Canada

 

On peut donc se demander : Quelle est la capacité potentielle maximale du Canada en matière de construction résidentielle?

Quel est le nombre annuel maximal d’habitations que nous avons la capacité potentielle de mettre en chantier?

Nous pouvons analyser le nombre réel de mises en chantier d’habitations par rapport à la capacité potentielle maximale du secteur de la construction, tout comme pour la production économique et l’emploi. Autrement dit, nous pouvons comparer ce qui a été construit à ce que nous aurions eu la capacité de construire au Canada avec les ressources actuelles.

Nous avons utilisé différentes approches pour déterminer le nombre potentiel de mises en chantier d’habitations au Canada. Selon nos estimations, les mises en chantier en 2023 étaient nettement inférieures au potentiel de production, comme le montre le tableau 1 ci-dessous.

Le nombre réel d’habitations mises en chantier au Canada a été de 240 267 en 2023. Pourtant, la production annuelle potentielle au Canada pouvait alors dépasser 400 000 logements neufs, grosso modo.

*Calgary, Edmonton et Vancouver.
**les chiffres sont arrondis
Remarque : Les chiffres de la population et de la productivité de la main-d’œuvre ont été estimés pour 2023. Voir la section sur la méthodologie pour plus de détails.
Source : SCHL, Statistique Canada; calculs de la SCHL

Périodes historiques de productivité élevée

Nous avons d’abord examiné le nombre moyen de travailleurs requis pour chaque logement mis en chantier. Il s’agit d’une mesure estimative de la productivité de la main-d’œuvre dans le secteur de la construction résidentielle.

De 1999 à 2004, le nombre de travailleurs par logement mis en chantier était beaucoup plus bas comparativement aux statistiques actuelles. La productivité était donc plus élevée il y a 20 ou 25 ans.

Selon nos estimations, le nombre potentiel de mises en chantier d’habitations au Canada aurait pu atteindre près de 400 000 en 2023. C’est environ 70 % de plus que le nombre total de logements mis en chantier cette année-là. Ces estimations sont basées sur les niveaux d’emplois actuels du secteur en supposant que les niveaux de productivité passés pouvaient être atteints.

Examen des marchés les plus dynamiques du Canada

Dans notre dernier Rapport sur l’offre de logements, le ratio de mises en chantier d’habitations par rapport à la population variait beaucoup – d’un facteur de 2 ou plus – d’une région métropolitaine de recensement (RMR) à l’autre au Canada.

Figure 2 : Le nombre de mises en chantier d’habitations rajusté selon la population a varié d’un grand centre urbain à l’autre du Canada en 2023*
Nombre de mises en chantier par 1 000 habitants

*Les estimations de population pour les Régions métropolitaines de recensement (RMR) de 2023 ont été dérivées des chiffres réels de population provinciale pour cette année-là.
Sources : SCHL et Statistique Canada

 

Nous avons utilisé cette approche pour examiner les mises en chantier par habitant à Calgary, à Edmonton et à Vancouver. Le ratio des mises en chantier par rapport à la population est plus élevé dans ces villes qu’ailleurs, selon les données historiques.

En théorie, cette approche suppose que les préférences et les conditions de logement sont assez semblables partout au pays. D’autres facteurs, comme le contexte économique, l’organisation industrielle et la réglementation, pourraient influencer ce ratio différemment d’une ville à l’autre.

Si les mises en chantier d’habitations de l’ensemble du pays avaient reflété les marchés les plus dynamiques en 2023, près de 430 000 logements neufs auraient été ajoutés à l’offre.

Conclusion : la réglementation et la production doivent être à l’avant-plan

Bien que le cycle économique, ou l’équilibre entre propriétaires-occupants et locataires, prenne du temps à changer, d’autres facteurs sont plus faciles à influencer et produisent des résultats plus rapidement.

Alors, que faut-il faire pour obtenir les résultats souhaités?

Le nombre de mises en chantier par rapport à la population varie selon les villes, ce qui donne à penser que la réglementation, surtout municipale, joue un rôle important dans la capacité d’accélérer la construction.

Outre le temps nécessaire pour délivrer les permis, il y a la réglementation sur le nombre d’étages et de logements des immeubles, les droits d’aménagement (certains sont réglementés aux niveaux local et régional), et sans doute bien d’autres aspects.

Selon notre Enquête sur l’utilisation des terres et la réglementation municipale connexe de 2022, Toronto et Vancouver ont des contraintes particulièrement sévères en matière d’utilisation des terrains et de réglementation. Quant à l’Alberta, elle dispose d’une réglementation plus souple qu’ailleurs. Depuis, la Colombie-Britannique a adopté des assouplissements réglementaires (en anglais seulement) qui seront mis en œuvre par les municipalités, signe d’un désir clair d’amélioration.

Le gouvernement fédéral prend lui aussi des mesures concrètes

En plus des milliards de dollars engagés et investis dans la construction et la rénovation ces 10 dernières années, il a récemment lancé le Fonds pour accélérer la construction de logements (FACL). Ce programme est conçu pour financer des changements réglementaires à l’échelle municipale afin d’accélérer la construction résidentielle.

Au moment de publier le présent article, des ententes ont été conclues avec 179 municipalités en vertu du FACL. De plus, dans le cadre du Plan du Canada sur le logement, du financement a récemment été ajouté pour conclure d’autres ententes.

La réglementation provinciale est elle aussi déterminante

Par exemple, le gouvernement du Québec tente d’assouplir les règles d’embauche des différents corps de métiers qui travaillent sur les chantiers résidentiels. Son objectif est d’accroître l’activité et la souplesse dans le secteur de la construction résidentielle.

L’éléphant dans la pièce : la façon dont nous construisons des habitations

Nous avons récemment expliqué que le secteur de la construction résidentielle au Canada est très fragmenté.

Dans l’ensemble du pays, presque 69 % des entreprises de construction comptent moins de 5 employés. Étonnamment, une seule entreprise au Canada compte plus de 500 employés, alors que nous sommes plus de 40 millions d’habitants!

La consolidation pourrait aider à générer des économies d’échelle, ce qui permettrait de rentabiliser la construction de logements abordables. La population canadienne pourra ultimement bénéficier d’une partie de ces économies.

Pendant des années, le secteur de la construction résidentielle a indiqué que la réglementation était le principal obstacle à la construction d’un nombre accru de logements. Des éléments probants montrent que des progrès peuvent effectivement être réalisés à cet égard et que tous les ordres de gouvernement s’adaptent, mais qu’il reste encore beaucoup à faire.

Récemment, j’ai affirmé qu’une vaste mobilisation était nécessaire pour régler notre crise du logement. Nous devrions maintenant entamer une discussion sur la façon dont la réglementation municipale et provinciale peut stimuler encore davantage la création de logements au Canada.

En plus des changements déjà entrepris, qu’est-ce que nos partenaires municipaux, comme la Fédération canadienne des municipalités et les décideurs des grandes villes du Canada, pourraient faire de plus afin d’accélérer la construction résidentielle?

Des discussions importantes doivent aussi avoir lieu avec les employeurs, les syndicats et les travailleurs du secteur de la construction résidentielle. Que sont-ils prêts à faire pour accroître les mises en chantier et permettre au Canada de construire selon sa capacité maximale, en échange d’une souplesse réglementaire accrue?

 

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