Les entrepreneurs de la construction ainsi que plusieurs autres acteurs de cette industrie bénéficient d’un moyen que la loi leur offre afin de garantir et recouvrir efficacement leurs créances en cas de non-paiement : l’hypothèque légale de la construction. Aperçu de ce moyen et comment le mettre en œuvre.
Auteur : Me Manuel St-Aubin, avocat chez St-Aubin avocats inc.
Date de rédaction : juin 2021
L’hypothèque légale de la construction : résumé
L’hypothèque légale de la construction est expressément prévue aux articles 2726 et suivants du Code civil du Québec (C.c.Q.).
Elle est un mécanisme offert à certaines personnes ayant participé à la construction d’un immeuble afin de garantir leur créance. Elle ne peut grever que l’immeuble visé par lesdits travaux et elle existe sans qu’elle soit nécessairement publiée au registre foncier[1].
Il est important à noter que l’hypothèque légale de la construction ne garantit qu’un montant équivalent à la plus-value de l’immeuble à la suite de la réalisation des travaux[2], et que les différentes hypothèques légales viennent entres elles en concurrence proportionnellement à la valeur de chacune des créances (art. 2952 C.c.Q.).
Qui peut bénéficier de l’hypothèque légale de la construction
Selon l’article 2726 C.c.Q., les personnes qui peuvent bénéficier de l’hypothèque légale de la construction sont :
- Les architectes;
- Les ingénieurs;
- Les fournisseurs de matériaux;
- Les ouvriers;
- L’entrepreneur ou sous-entrepreneur (sous-traitant).
L’hypothèque légale vise les travaux demandés par le propriétaire de l’immeuble et les matériaux ou services qui ont été fournis ou préparés pour ces travaux[3].
L’hypothèque légale pour le sous-traitant (sous-contractant)
Pour le sous-entrepreneur (appelé aussi sous-traitant ou sous-contractant), il est important de retenir que l’article 2728 du Code civil du Québec impose une condition supplémentaire lorsque la personne qui effectue les travaux n’a pas contracté directement avec le propriétaire de l’immeuble.
En effet, pour que l’hypothèque légale soit opposable au propriétaire de l’immeuble, le sous-contractant ou fournisseur qui n’a pas contracté directement avec ledit propriétaire devrait dénoncer le contrat avec l’entrepreneur par écrit au propriétaire de l’immeuble dans les plus brefs délais.
L’importance de cette dénonciation est capitale, car l’hypothèque légale sera limitée uniquement aux travaux, services ou matériaux fournis suivant la dénonciation écrite au propriétaire[4].
Le contenu de la lettre de dénonciation n’est pas imposé par la loi. Cependant, pour être suffisante, la dénonciation doit minimalement informer le propriétaire de l’intention de la personne participant à la construction d’inscrire une hypothèque légale sur l’immeuble si elle n’est pas payée, et l’étendue de son contrat doit être indiquée.
Un des buts de la dénonciation est d’aviser le propriétaire de l’existence du contrat de sous-traitance ou de fourniture de matériaux afin que ce dernier puisse garder les sommes suffisantes pour acquitter les créances des ouvriers, de même que de toute autre personne pouvant faire valoir une hypothèque légale de construction et qui lui ont dénoncé leur contrat avec l’entrepreneur[5].
Comment conserver son droit à l’hypothèque légale ?
Tel qu’expliqué ci-dessus, l’hypothèque légale de la construction existe sans qu’il soit nécessaire d’être publiée. Cependant, elle cessera d’exister après 30 jours suivant la fin des travaux[6] si rien n’est fait.
Il est important de savoir que le délai de 30 jours après la fin des travaux est un délai de rigueur, c’est-à-dire que si rien n’est fait avant l’expiration de ce délai, l’hypothèque légale peut s’éteindre.
La date de fin des travaux est donc cruciale pour savoir quand commencer à calculer le délai de 30 jours. Selon l’article 2110 C.c.Q., la fin des travaux correspond « au moment où l’ouvrage est exécutée et en état de servir conformément à l’usage auquel on le destine ».
Pour conserver l’hypothèque légale et éviter qu’elle ne s’éteigne, il sera nécessaire d’inscrire un avis au registre foncier avant la fin du délai. Cet avis devra comprendre notamment ceci :
- La désignation de l’immeuble grevé de l’hypothèque légale;
- Indication du montant de la créance.
Cet avis devra être signifié au propriétaire de l’immeuble visé par l’hypothèque légale[7].
Six (6) mois après la fin des travaux, l’hypothèque légale de la construction s’éteindra[8], sauf si :
- Le créancier bénéficiaire de l’hypothèque légale publie une action contre le propriétaire de l’immeuble pour conserver l’hypothèque ; ou
- Que ce créancer n’inscrive un préavis d’exercice d’un droit hypothécaire[9].
Les moyens pour exécuter l’hypothèque légale
Le préavis d’exercice d’un droit hypothécaire
Le créancier qui bénéficie d’une hypothèque légale et qui entend exercer un droit hypothécaire doit obligatoirement produire un préavis, accompagné de la preuve de la signification au débiteur ou à toute autre personne contre qui il désire exercer ses droits[10]. Ce préavis devra nécessairement être signifié au propriétaire de l’immeuble.
Le préavis d’exercice doit contenir notamment ce qui suit (selon les exigences de l’article 2758 C.c.Q.):
- « Dénoncer tout défaut par le débiteur d’exécuter ses obligations »;
- « Rappeler le droit, le cas échéant, du débiteur ou d’un tiers, de remédier à ce défaut »;
- « Indiquer le montant de la créance en capital et intérêts »;
- Indiquer « la nature du droit hypothécaire que le créancier entend exercer »;
- « Fournir une description du bien grevé »;
- « Sommer celui contre qui le droit hypothécaire est exercé de délaisser le bien, avant l’expiration du délai imparti ».
Normalement, le délai pour délaisser l’immeuble donné dans le préavis d’exercice est de 60 jours, sans quoi le créancier exercera un recours hypothécaire devant les tribunaux pour forcer le délaissement[11].
L’exercice du recours hypothécaire
À l’expiration du délai inscrit au préavis d’exercice, si le créancier n’a toujours pas été payé, il est dans son droit de s’adresser au tribunal afin d’exercer son droit hypothécaire.
Quatre recours hypothécaires sont possibles[12]:
- La prise en paiement;
- La vente sous contrôle de justice;
- La vente par le créancier;
- La prise de possession à des fin d’administration.
À retenir
L’hypothèque légale de la construction est un moyen efficace de garantir le paiement des créances des personnes ayant participé à la construction d’un immeuble. Cette hypothèque couvre la plus-value apportée par les travaux/matériaux/services.
Pour les sous-traitants et ceux qui n’ont pas contracté directement avec le propriétaire de l’immeuble, il est très important de dénoncer leur contrat avec le propriétaire.
Il est à retenir que le respect des délais de 30 jours et de 6 mois après la fin des travaux doivent être respectés pour conserver l’hypothèque légale de la construction.
Par la suite, les recours hypothécaires sont disponibles pour celui qui veut recouvrir les sommes dues et garanties par l’hypothèque légale.
Attention, car plusieurs subtilités peuvent exister, et il importe toujours mieux de procéder avec des professionnels pour ce type de processus.
AVIS : Les informations de cet article sont générales et ne constituent en aucun cas un avis ou conseil juridique ni ne reflètent nécessairement l’état du droit de façon exhaustive. Pour toute question d’ordre juridique adaptée à votre situation, nous vous conseillons de contacter nos avocats.
*Merci à Kevin Lauzon, étudiant en droit, pour son aide dans la rédaction.
[1] Art. 2726 C.c.Q.
[2] Art. 2728 CCQ.
[3] Art. 2726 C.c.Q.
[4] Art. 2728 C.c.Q., à noter que l’ouvrier n’est pas tenu de dénoncer son contrat.
[5] Art. 2123 C.c.Q.
[6] Art. 2727 al. 1 C.c.Q.
[7] Art. 2727 al. 2 C.c.Q.
[8] Art. 2727 al. 3 C.c.Q.
[9] Art. 2727 al. 3 C.c.Q.
[10] Art. 2757 C.c.Q.
[11] Art. 2765 C.c.Q.
[12] Art. 2748 al. 2 C.c.Q.